Interview
Gilberto Igrejas : Le gardien d’un trésor millénaire.
La région et la vallée du Douro, sont des endroits idylliques qui recèlent bien des trésors, tout spécialement le vin de Porto !

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il y a 1 anen
Pour
Alice Barros
À ce titre nous sommes allées à la rencontre du Président de l’Institut des Vins du Douro et du Porto (IVDP), Gilberto Igrejas, un “transmontano” pur souche pour en savoir un peu plus sur lui et ses objectifs.
PORTRAIT – Originaire de Vila Real, dans la région de Trás-os-Montes – Portugal, Gilberto Igrejas, professeur/chercheur et responsable de l’unité de génomique fonctionnelle et protéomique à l’Université de Trás-os-Montes e Alto Douro (UTAD) est devenu depuis 2019, le Président de l’Institut des Vins du Douro et du Porto (IVDP).
Après la licence en biologie-géologie, d’une maîtrise en ressources génétiques et amélioration des espèces agricoles et forestières et d’un doctorat en génétique et biotechnologie de l’Université de Trás-os-Montes et Alto Douro (UTAD), il part en France où il a développé des travaux de recherche. En 2002, Il a obtenu un diplôme de troisième cycle en médecine légale et a voyagé à l’autre bout du monde pour effectuer un Post-doctorat en Australie. Il est actuellement coordinateur du Groupe Phénomique Fonctionnelle et Protéomique et membre intégré de l’UCIBIO-REQUIMTE, Faculté des Sciences et Technologies, Universidade Nova de Lisboa. Il développe des travaux de recherche axés sur l’utilisation des outils omiques, en particulier la génomique et la protéomique, au niveau de la génétique moléculaire et de la biotechnologie de diverses espèces végétales, animales et microbiennes. À l’Université de Trás-os-Montes, il a également été coordinateur du cours d’œnologie de l’UTAD, responsable de sa rénovation.
En matière de production scientifique, il y a à son actif un grand nombre de publications.

En mode bilan, comment se sont déroulées les initiatives que l’IVDP a mis en place sur le terrain national et international ?
La stratégie qui encadre les actions de promotion de l’Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, I.P. (IVDP) vise à contribuer à l’affirmation internationale et à la valeur ajoutée des vins à Appellation d’Origine Protégée (AOP) produits dans la Région Délimitée du Douro à ajouter plus de valeur à l’ensemble de la chaîne et, par conséquent, aux agriculteurs. Il est impératif de garantir la pérennité économique du viticulteur dédié uniquement à la production de raisins pour les appellations d’origine protégée Porto et Douro. L’action d’IVDP repose également sur la promotion de ses produits premium (catégories spéciales et appellations complémentaires) et sur l’accompagnement de l’internationalisation des agents économiques du secteur, dans une logique de valorisation transversale et avec un souci clair pour la durabilité économique, sociale, culturelle et environnementale du territoire du Douro, un site Patrimoine Mondial.
On peut identifier 3 groupes d’objectifs :
- Les caractéristiques du produit, visant à accroître sa connaissance auprès des publics professionnels, des intermédiaires et des consommateurs.
- L’agrandissement et le rajeunissement des consommateurs, en promouvant toujours une consommation responsable et modérée.
- La promotion et l’internationalisation des agents économiques, toujours dans une logique intégrée de valorisation transversale de la Région délimitée du Douro, valorisant la dimension de l’image des vins portugais à l’étranger.
Les vecteurs de communication visent l’affirmation du produit dans un marché mondial très concurrentiel, où l’excellence, l’identité et l’authenticité doivent être privilégiées comme éléments d’affirmation à travers une image forte, dynamique et polyvalente. Nous investissons dans la différenciation positive du produit, qui repose sur un système de contrôle et de certification minutieux et moderne, contribuant soit à l’augmentation de la perception de la valeur des marques Porto et Douro, soit à les positionner comme vins d’excellence.
L’accent mis sur les catégories premium qui apportent une plus grande valeur ajoutée à la région délimitée du Douro et à ses agents économiques. La promotion d’une stratégie de protection, de défense et de diffusion des marques Porto et Douro sont essentiels pour accroître leur connaissance et démontrer leur importance et leur impact positif. sur le développement de la Région. C’est aussi stratégique dans le but de tirer parti de la polyvalence et de la diversité des vins de la région délimitée du Douro pour s’harmoniser avec la gastronomie du pays où se déroulent les actions, en mettant en évidence le service, la température, les verres appropriés ainsi que de nouveaux moments et formes de consommation, notamment à travers l’expansion de secteurs de consommation en croissance, comme l’univers du bar et de la mixologie.

Quelles pistes espérez-vous développer pour contourner ce contexte de crise qui, comme le montrent de nombreux indicateurs, va se prolonger dans le temps ?
Les actions misées sur le numérique et le renforcement expressif de la communication sur les réseaux sociaux sont à souligner. Compte tenu du contexte actuel dans lequel nous vivons, il est impératif d’avoir une présence en ligne pour continuer à communiquer avec notre public cible : professionnels (secteur et filière HORECA), presse, prescripteurs et stagiaires, intermédiaires et consommateurs. Les mandataires et les marques qu’ils représentent sont fondamentaux pour la réalisation et le succès des actions développées auprès de ce public cible. En résumé, une typologie d’actions axées sur la formation et la pédagogie, principalement dans les écoles hôtelières et le secteur HORECA, dans les concours, dans les activités auprès des professionnels et des consommateurs et dans la présence dans les grands salons internationaux.
Les marchés prioritaires sont définis sur la base d’une matrice basée sur des critères pondérés, à savoir le chiffre d’affaires, la quantité et le prix moyen. Ainsi, nous serons présents aux États-Unis, au Canada, au Brésil, au Royaume-Uni et en Suisse. En Europe, nous soulignons le Portugal, le Danemark et la Belgique et la France, en plus de la présence à Prowein. L’impact des actions que nous avons développées a été assez positif. Voyez, en 2012, l’évolution très positive de la commercialisation des vins de la Région Délimitée du Douro, largement tirée par les exportations. Ainsi, à fin octobre, les quantités vendues de Porto (+11,5%) et du Douro (+10,0%) étaient largement supérieures aux ventes de la même période de 2020, sans impact négatif sur les prix moyens respectifs, dans lesquels on note augmente également (+5,2% dans le cas de Porto et +6,4% pour le Douro). Il convient de noter la comparaison avec les données pré-pandémiques, plus que la comparaison avec 2020 : en plus des exportations étant supérieures à celles vérifiées en 2019 (dans la quantité exportée jusqu’en octobre : +3,6 % vers Porto et +14,6 % pour le Douro) , il y a également eu des améliorations tout au long de l’année en termes de ventes sur le marché intérieur. La valeur des ventes de vin de Porto au Portugal est toujours inférieure à celle de 2019, mais avec une différence qui est passée de -30,1 % jusqu’en juillet à -26,2 % jusqu’en octobre. De leur côté, les ventes de vin du Douro jusqu’en octobre 2021 sont supérieures à celles de 2019, tant en valeur (+5,5 %) qu’en quantité (+1,8 %).

Il existe un concours pour le meilleur sommelier de vin Porto en France, promu par le syndicat des Grandes Marques de Porto et l’Union de la Sommellerie Française. Cette initiative existe-t-elle au Portugal ou dans d’autres pays ?
Le concours Master of Port, organisé en France, en est maintenant à sa 19e édition, compte tenu du fait qu’il s’agit du premier marché du vin de Porto. Son organisation est sous la responsabilité de l’Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto, en partenariat avec le Syndicat des Grandes Marques de Porto et l’Union
de la Sommellerie Française. Outre la France, l’IVDP détient également le Master of Port au Canada et au Royaume-Uni et compte, l’an prochain, étendre sa participation au Portugal, au Danemark et à la Belgique.
Contrairement aux autres générations, les millenials sont plus critiques et exigeants, surtout à court terme. Quelles stratégies l’IVDP à mis en place pour attirer et communiquer avec ce type de public ?
La présence sur les réseaux sociaux est incontournable, notamment sur Instagram. IVDP a considérablement augmenté son investissement dans cette chaîne, réussissant ainsi à attirer un public jeune vers ses actions. Nous réalisons des campagnes sponsorisées, destinées exclusivement au segment des millenials. Les actions promotionnelles sont également une contribution précieuse à la réalisation de cet objectif. Le nombre de followers du compte IVDP Instagram a augmenté en trois ans de plus de 10 000 followers, totalisant environ 18 000 à l’époque. Avec le même objectif, nous avons développé une campagne publicitaire dans différents médias, au Portugal, au Brésil, aux États-Unis et au Canada, intitulée « Où tu emmènes ton Porto ». La campagne a donné un nouveau langage au vin de Porto, démocratisant la consommation, mettant en œuvre la boisson dans des environnements plus cosmopolites et détendus pour atteindre les plus jeunes, coupant les “liens” aux moments solennels, par un appel direct à une consommation modérée, concentrant les messages dans une lumière , discours clair, mobilisateur et enthousiaste. De plus, nous avons développé un nouveau site Internet pour l’IVDP, avec une séparation entre les informations institutionnelles et les informations promotionnelles, basée sur une nouvelle image plus actuelle et hautement opérationnelle. En collaboration avec le secteur, nous promouvons le lancement de la boisson Portonic, ainsi que la mise en œuvre de la Route des Vins du Douro et de Porto.
Connaître, goûter, consommer du vin devient un effet de mode. Le vin du Douro rentre-t-il aussi dans ce phénomène ?
Bien sûr que oui. La résilience des marques Porto et Douro, qui se traduit par l’évolution très positive des exportations et des ventes, témoigne de cette préférence des consommateurs. Il convient de noter le fait que la quantité vendue, la valeur totale des ventes et le prix moyen de Porto et du Douro se sont remis des baisses causées par la pandémie en 2020, se situant même à 3,1% au-dessus de la commercialisation au cours de la même période de 2019. À noter également les différents projets dans le domaine de l’oenotourisme, développés par de jeunes entrepreneurs, qui font preuve de vitalité.

Et le Porto ? Considérés comme « démodés » et « compliqués » pour choisir, les marques parviennent-elles à inverser cette vision ?
La stratégie de l’IVDP et du secteur, comme je l’ai mentionné, est de simplifier et d’élargir la consommation. Un exemple c’est la création de la boisson Portonic. Durant ces deux dernières années, IVDP a travaillé avec des agents économiques afin de pouvoir inscrire en tant que marque, dans le cadre d’un investissement stratégique dans le secteur, ce qui était déjà mis en place de manière informelle dans la mixologie : composer une boisson décontractée qui associe les sensation douce avec la sensation amère. L’IVDP sait que le vin de Porto, étant un vin extraordinairement polyvalent dans les solutions qu’il permet de réaliser, peut faciliter l’approche de moments de consommation détendus et atteindre une couche plus jeune, qui recherche aujourd’hui quelque chose qui n’a pas une forte teneur en alcool, qui soit un cocktail sans préparation préalable, qui n’implique pas de grandes compétences de barman, qui soit facilement transportable, disons un cocktail de style prêt-à-boire. Dans ce contexte, la marque Portonic est née. Pour cela, l’IVDP a enregistré cette marque à son nom, et sa licence est soumise à des règles strictes de défense et de protection de l’appellation d’origine Porto. Boostés par le contexte de croissance des ventes de Vin de Porto, nous sommes convaincus que ce pari stratégique sur un cocktail prêt à boire, le Portonic, créera de nouvelles formes de consommation qui permettront de gagner en pertinence auprès du jeune public, à travers de nouvelles expériences associées à la convivialité et aux bons moments de la vie et, en même temps, à valoriser le portefeuille du Vin de Porto.
Pensez-vous que la mise en place du numérique dans le processus du vin et de la vigne peut être un impératif pour la survie de la filière viticole ?
Oui, nous le pensons. Les problèmes auxquels sont confrontés le secteur du vin, du manque de main-d’œuvre au changement climatique, peuvent en partie être résolus par l’informatisation du secteur. Des exemples de cela peuvent être un accès plus rapide à l’information, l’analyse prédictive des données qui permettent l’utilisation de l’intelligence artificielle ou même, de manière plus prosaïque, l’utilisation de nouvelles technologies, comme la réalité virtuelle, dans la formation des pratiques agricoles. Dans les années à venir, il est également essentiel de chercher à tirer parti des opportunités issues de l’innovation technologique (comme le potentiel des ressources du Big Data et de la 5G et leur effet accélérateur), pour que la transition numérique se traduise par une économie plus compétitive et résiliente. Région délimitée du Douro et durable, avec des chances égales pour tous d’accéder aux bénéfices de cette transition, qui est actuellement plus difficile dans la région en raison de la faible couverture des services numériques, souvent trop chers pour la réalité locale, et aussi en raison de la structure par âge d’une population vieillissante (plus encore ce qui se passe au niveau national). Pour une transition numérique à la portée de tous, il faut tirer parti de l’expérience issue de la pandémie (qui a rapidement mis plus de personnes et de services dans la sphère numérique, mais aussi mis en évidence de nombreuses inégalités) et former les ressources humaines. Il est également important d’assurer la protection des citoyens et des entreprises contre les cybermenaces et de veiller à ce que les droits des citoyens ne soient pas violés dans ce processus de transition numérique. L’IVDP a un ensemble d’initiatives et de projets en cours avec un seul objectif : améliorer les services fournis aux producteurs du Douro. Aujourd’hui, la technologie joue un rôle décisif dans les processus décisionnels. C’est un chemin que le RDD emprunte déjà.
Quelles mesures de valorisation sont désignées et quelles autres, selon vous, devraient être renforcées pour la protection du patrimoine en tant que marque, du vin de Porto ?
La Région Délimitée du Douro possède deux Appellations d’Origine Protégées (AOP) : DOURO et PORTO. C’est « la seule preuve incommensurable avec laquelle nous pouvons hanter le monde », comme l’écrivait Miguel Torga. Les appellations d’origine jouent un rôle essentiel dans le développement durable des régions viticoles, contribuant de manière significative à la durabilité des régions et de leurs populations. Les appellations d’origine doivent également pouvoir répondre aux défis croissants de l’authenticité. L’unicité et le prestige du produit se reflètent dans son nom. Nous avons considérablement augmenté plusieurs actions visant à protéger le droit de propriété industrielle qu’est l’appellation d’origine protégée Porto et Douro. Nous avons élargi nos opérations à la fois en termes géographiques (par exemple, en Inde, à Singapour ou au Canada) et en termes de produits qui utilisent à mauvais escient le nom de Porto. C’est la voie que nous continuerons à suivre dans les années à venir. Valoriser les appellations d’origine protégée Douro et Porto, c’est aussi les protéger contre les actes d’imitation, d’usurpation, d’évocation, de dilution ou d’exploitation parasitaire.

Vous êtes un fils de la terre et connaissez donc mieux que quiconque la réalité des vignerons du Douro. Pensez-vous que cet atout a rapproché l’IVDP de la région du Douro, renforçant son lien avec le nouveau Centre d’excellence de la vigne et du vin ?
Je ne sais pas si c’était un atout ! Cependant, ce qui me rapproche de la région, c’est le fait que, étant né dans un village, je connais parfaitement les difficultés de tous ceux qui travaillent dans ce secteur, mettant en lumière le travail inlassable et quotidien des agriculteurs, dû à la dureté du territoire, véritables gardiens de ce culturel, évolutif et vivant dans l’année, qui marque les 265 ans de la région délimitée du Douro et les 20 ans de l’attribution du sceau de l’UNESCO à la région viticole du Haut-Douro. D’autre part, avoir vécu différentes réalités sociales m’assure une vision large et holistique de notre société. Je ne néglige pas le fait qu’étant originaire de la région et étant Enseignant/Chercheur j’ai pu approfondir les liens avec les Centres de Connaissances et de Recherche, cruciaux pour la mise en œuvre de la stratégie IVDP dans une logique d’universalité du service public et de proximité aux citoyens.
Il s’inscrit dans la stratégie de l’IVDP valoriser et promouvoir le travail des « femmes du vin » qui émergent et s’imposent dans ce secteur ?
Le rôle des femmes dans la société portugaise est très pertinent. La plupart de ma génération a certainement eu en sa mère le rôle d’éducatrice et de quelqu’un toujours très présent qui a contribué à une société plurielle, juste et humaine. Aujourd’hui, les circonstances sont très différentes. Il est donc important de continuer à développer des mesures qui favorisent l’affirmation des femmes dans la société contemporaine et le secteur du vin ne peut pas et ne sera pas une exception. Des politiques publiques appropriées sont donc essentielles pour éliminer le fossé existant entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et dans tous les aspects de la vie et contribuer ainsi à l’approfondissement de la démocratie. D’autre part, il est important de continuer à chérir les initiatives qui méritent toute l’attention compte tenu de leur importance dans le secteur et qui sont portées par des femmes. Des exemples en sont plusieurs distinctions réalisées dans le cadre de l’initiative IVDP, Douro + Sustentável, où plusieurs femmes ont été distinguées à juste titre.
Au cours de votre carrière universitaire, vous avez eu l’occasion de vivre dans d’autres pays, mais vous êtes revenu désormais. Qu’est-ce que le Portugal avait de spécial pour que vous retourniez ? Et pourquoi Vila Real ?
C’est un fait que ma vie dans d’autres pays m’a permis de vivre de nouvelles expériences et d’être témoin de ce que nous critiquons souvent, sans valoriser tout ce que notre pays nous offre, et dont je pourrais citer plusieurs exemples… Des séjours, en France et en Australie, deux pays développés, dont je garde un excellent souvenir de l’accueil et de la gentillesse de ceux qui m’ont reçu et des valeurs pertinentes qu’ils m’ont transmises de manière si large et généreuse, ont aidé à ma formation académique, contribuant à consolider ma personnalité et l’éducation que j’ai reçue de ma famille et de mes professeurs. Cependant, l’attrait du Portugal était plus fort, où la famille était et sera toujours le principal pilier.
Qu’est-ce qui vous a le plus manqué pendant votre absence ?
Mes parents, grands-parents et amis.
Comment vous décrivez-vous?
La question que vous me posez n’est pas facile. Il est toujours difficile d’être notre propre juge, mais je me considère une personne juste, loyale, concentrée, optimiste et avec des valeurs.
Qu’aimeriez-vous faire que vous n’ayez pas encore fait ?
Je n’ai rien en tête ! J’ai commencé à travailler dans la fonction publiques en 1991, lorsque j’étais étudiant en 4ème année de licence, en tant que moniteur de la discipline de « Génétique ». Mon métier m’a objectivement permis d’avoir de l’enthousiasme et de la motivation dans tout ce que j’entreprenais. Je peux dire que compte tenu des circonstances, de l’époque et du lieu où je suis né, je n’ai pas eu une vie facile, mais j’ai été privilégié. J’espère que l’avenir me réserve des activités que je pourrai mener avec la même énergie et joie et, au niveau familial, vérifier que j’ai pu, avec Patricia, transmettre à mes enfants les mêmes valeurs que j’ai reçues.
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Publié
il y a 7 moisen
24/08/2022Pour
Alice Barros
Daniel est un lusodescendant à la fibre entrepreneuriale et l’esprit d’équipe. Très fier de sa double culture franco-portugaise, à l’adolescence, il a pris conscience que c’était une chance de pouvoir avoir deux pays dans son cœur.

“L’un m’a tout donné depuis ma naissance et l’autre, m’a toujours attiré de par son âme si profonde, sa culture et ses traditions”.
De formation technologique, il travaille dans l’immobilier et s’est engagé comme président dans l’association Luso Possy; une association luso-française à Possy (78), dont la mission est de partager et promouvoir la culture portugaise, composée essentiellement de lusodescendants.
Qui est Daniel? Je suis d’origine portugaise, ma maman est de « Paio Pires » à côté de Lisbonne et mon papa de « Vila Nova » à côté de Tomar dans le centre du pays. J’ai grandi à Maule, petit village du 78, que j’ai quitté en 2002 pour venir m’installer à Poissy, il y a donc 20 ans.
Un plat ? Lasagne – Une monnaie ? Dollar – Un moyen de communication ? Téléphone portable – Une énergie ? Solaire – Une thérapie ? Groupe – Un vêtement ? Chemise – Un meuble ? Bureau – Un test produit ? Automobile – Un service ? Evénementiel – Un droit ? Egalité – Un livre ? L’Alchimiste de Paulo Coelho – Un super pouvoir ? Se téléporter – Une devise ? Carpe Diem
Votre travail – Je suis agent immobilier indépendant, ce qui me laisse la liberté d’organiser ma vie et de pouvoir gérer plus facilement l’association et les projets.
Comment êtes-vous devenu président de l’association Luso Poissy ? Aujourd’hui je suis président mais j’ai été trésorier de celle-ci pendant plus de 10 ans, je la connais donc très bien. Mon grand-père quand il arriva en France dans les années 60, participa à créer l’association franco-portugaise de Maule (78). Cette association existe toujours à l’heure actuelle.
Mes parents n’étant pas particulièrement attirés par le milieu associatif à cette époque, à 14 ans j’ai de moi-même poussé la porte de cette grande association pour intégrer le groupe folklorique. Depuis, je me sens comme investi de cette mission de partager et promouvoir cette belle culture que j’aime profondément.
Parlez-moi de votre asso. Depuis combien de temps existe-t-elle ? Notre association a été reprise en 2009 après être restée en sommeil pendant plusieurs années. Elle est composée d’une équipe formidable. Notre direction est constituée d’un vice-président, Ricardo, d’une trésorière, Sergia, d’une secrétaire, Alice, moi en tant que président… et l’ancien président Nelson qui n’est jamais bien loin de l’association. Tous dans le même état d’esprit et c’est ce qui fait notre force.

S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir sur votre asso, quelle serait-elle ? Je voudrai qu’on qualifie mon association comme une association portugaise « NG » (comme Nouvelle Génération)
Les jeune viennent-ils dans votre association ? Oui les cours de portugais attirent un public jeune à partir de 5 ans.
Projets – A ce jour, mon principal projet est de continuer à partager autour de la culture, des traditions et de la lusophonie. Pour cela, on organise des évènements, des repas de Fado, des spectacles, des soirées dansantes, et évidemment, les cours de portugais enfants et adultes. Je travaille aussi étroitement avec la ville pour la mise en place d’un projet de coopération décentralisée avec une ville portugaise. L’essentiel étant de se faire plaisir, je suis ouvert à tous les projets. J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe formidable. Nous sommes tous dans le même état d’esprit et c’est ce qui fait notre force.



Vous savez, j’accorde une importance particulière à ce que notre association soit ouverte sur le monde plutôt que sur nous-même. Les objectifs ont changé. Nous nous adressons à un public plus large, à tous sans aucune distinction, et surtout pas qu’à des personnes ayant des origines portugaises. Nous avons plus que jamais besoin de nous ouvrir aux autres afin de transmettre notre histoire pour ne pas oublier d’où on vient et pour honorer nos ancêtres…
Enfin j’ajouterai une chose encore ; ces dernières années nous avons beaucoup fait d’autodérision sur notre langue, nos habitudes, nos comportements et ça me fait beaucoup rire d’ailleurs ! Néanmoins, cela ne doit pas être la seule manière de faire parler de nous.
Je souhaite mettre en avant le portugais moderne, loin des clichés ! Montrer ce que nous avons dans le ventre… Que nous sommes bien plus que des clichés 
Interview
António Madeira : Un lusodescendant dans les vieilles vignes du Dão

Publié
il y a 10 moisen
01/06/2022Pour
Alice Barros
En 2010, il décide de revenir, avec sa famille, s’installer dans la région de ses grands-parents : le Dão, autrefois connu comme l’un des plus beaux terroirs pour la vigne où se produisait ce qu’on appelait les «Grands Crûs des hauts plateaux du Dão».

Antonio est né à Paris où il a grandi et travaillé comme ingénieur pendant une quinzaine d’années. Le vin est devenu une passion qui a débuté entre amis. Du fait de ses racines familiales, il s’intéresse aussi aux vins portugais. Il découvre alors que la région de ses grands-parents au Portugal, le Dão, était la plus ancienne AOC du pays (1908) et qu’il y avait là un potentiel naturel pour produire de grands vins de garde, sur la finesse et la fraîcheur, aussi bien en blanc et qu’en rouge. Les vieilles vignes centenaires, complantées de 40 cépages autochtones, se trouvaient dans un état d’abandon progressif. Il y a vu une opportunité pour changer de vie et tenter de vivre de sa passion pour le vin.
La philosophie du domaine :
le respect du sol, de la plante et du fruit, à savoir l’expression du terroir de la Serra da Estrela. Il n’utilise aucun pesticide et travaille ses sols au cheval. Dans les chais, il utilise des levures indigènes et des fermentations en cuves ouvertes. Le vin, qui est plus infusé qu’extrait, poursuit son élevage dans des barriques neutres pendant 18 mois.

Un vin se forme par l’assemblage de trois éléments indissociables : le terroir, la main du vigneron et l’année. Comment êtes-vous arrivé à réunir ces éléments?
Par des pratiques et des modèles que j’ai trouvés en France; en Bourgogne et un peu partout dans différentes régions. Ensuite, en cherchant à appliquer ces méthodes dans le terroir du du Dão, là où j’ai mes racines familiales, pour justement révéler l’expression de l’originalité de ce terroir dans les vins que je produis. Cela consiste essentiellement à retravailler les vignes avec des méthodes ancestrales comme le faisaient nos grands-parents.
C’est un vin naturel appelé biodynamie. D’abord j’applique ces principes dans les vignes et ensuite, au niveau du chai avec les levains indigènes, sans vins Trans – sans produits chimiques – de manière à avoir un vin très pur, sans interférence entre le terroir et ce qu’on a dans le verre. L’idée est de retrouver les différents éléments du paysage du pied de la montagne de Serra da Estrela : le granit, les fleurs, les résines, les pins, les herbes aromatiques et toutes sortes d’éléments. Ainsi que l’on soit à Paris, à Tokyo ou à New York… quand on met le nez dans le verre on retrouve le paysage du Dão. C’est à la fois un voyage géographique et un voyage dans le temps, car je travaille les vignes qui ont pour les plus anciennes jusqu’à 130 ans, où on trouve 40 / 50 cépages mélangés dans les rouges. Un voyage pour regoûter les vins du Dao de la fin du XIX siècle, début du XX siècle qui sont très différents des vins des 30 dernières années au cours desquelles les vignes ont été arrachées et replantées en bloc mono cépage et mono clone. La vigne et le chai ont subi des méthodes de travail industrielles qui standardisent énormément le résultat final.
En agissant comme nous le faisons nous avons des vins originaux qui vont chercher les sens même du Dão; un peu comme des musées vivants où nous avons de très vieilles plantes, avec de très vieux cépages autochtones qui ont mis des siècles et des siècles à se développer et qui pour moi représentent l’Identité du Dão.
Qu’est ce qui vous a amené à devenir vigneron au Portugal ?
Comme beaucoup de gens, mes parents ont immigré au début des années 70 en France. Moi je suis né à Paris, j’ai grandi à Paris, j’y ai fait mes études et ensuite j’ai travaillé 15 ans en tant qu’ingénieur. J’ai fait du conseil en organisation industrielle pour des grands groupes industriels.
Le vin est une passion qui s’est développée d’un hobby au fil des années. A un moment, je ne me sentais pas complètement réalisé dans mon travail. Je gagnais très bien ma vie mais pour moi cela ne me suffisait plus. J’avais besoin de me sentir épanoui et j’avais envie de pouvoir vivre une passion. Le vin étant devenu ma passion, je m’y suis intéressé de plus près. J’ai cherché ensuite à comprendre ce qui se passait au niveau du vin au Portugal et là j’ai compris que la région où j’allais en vacances l’été depuis tout petit était anciennement la grande région de vin portugais, considérée un peu comme la Bourgogne du Portugal, mais qui était, depuis 30 ans, dans un processus avancé de dégradation et d’abandon.
Je me suis dit qu’il y avait peut-être une opportunité pour pouvoir faire quelque chose et donc j’ai commencé à étudier le terroir du village de mes grands-parents et alentours en essayant de cartographier et de m’inspirer de ce qu’avaient fait les moines en Bourgogne : répertorier les meilleurs crûs des vins et aussi du savoir empirique des petits vieux du village et en allant me balader en regardant le sol, les plantes, etc. A partir de là, j’ai cherché à louer des parcelles et j’ai commencé à les travailler.
Est-ce que vous diriez que le Portugal a la tradition du vin ?
Oui pour l’ancienne génération. Au Portugal on est passé d’un modèle artisanal qui s’approchait du vin naturel, auprès de nos grands-parents, à un modèle, les 30 dernières années, très industriel.
Les vignes sont travaillées d’une manière générale à tracteur, avec des produits chimiques, des herbicides en sol, des produits dangereux pour la santé. Au niveau de la vinification des vins, faits par des œnologues qui « pasteurisent le vin » et tuent toute la microbiologie, refont un modèle simplifié avec tous les produits œnologiques créant des vins qui n’ont pas d’âme.
Ce sont des vins plastiques et standardisés qui représentent, actuellement 99 % des vins au Portugal. Heureusement, il y a quelques vignerons qui commencent à revenir à des méthodes ancestrales, des méthodes travaillées en biologie et travaillées ensuite en chai avec plus de savoir.
C’est un phénomène qui s’est aussi passé en France et un peu partout. Ce qui se passe c’est que les choses arrivent toujours au Portugal avec un décalage dans le temps, mais ça arrive quand même. Je pense que dans une génération ce sera encore plus développé qu’aujourd’hui.
Dire vin naturel c’est la même chose que dire vin biologique ?
Non. Pour être un vin naturel il faut que ce soit biologique. La différence est au niveau du travail à la cave où on fait le vin.
La réglementation biologique autorise l’utilisation d’une centaine de produits œnologiques pour faire le vin. Pour le vin naturel, ces produits œnologiques ne sont pas utilisés, le vin est vraiment pur, sans chimie. C’est pour cela que moi je n’ai pas de qualification bio que je qualifié de schizophrène car c’est bio à la vigne mais à partir du moment où on rentre dans le chai et que des produits chimiques sont utilisés, moi cela ne me convient pas. Par contre, pour être naturel il faut être bio, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante.

Je croyais que le vin bio c’était le maximum qu’on pouvait atteindre d’un vin mais d’après ce que vous dites c’est le vin naturel ?
En fait, le vin naturel c’est la prolongation du bio à la cave, c’est être cohérent de A à Z.
C’est pour cela que je dis que la certification bio a été créée à Bruxelles sous la pression des lobbies. Créée pour que des grands faiseurs, des grands industriels puissent faire des vins dits bio et pour les ventes en supermarché, mais pour moi, ce sont des vins sans âme pour la plupart, parce que justement ils ont été pasteurisés et ont des levures sèches qui ont été faites en laboratoire avec des méthodes chimiques.
Dans les vins naturels on peut avoir de très mauvais vins, cela dépend du travail qui est fait par le vigneron.
Est-ce qu’un bon vin n’est pas une question de goût ? Cette histoire de bon vin, n’est-elle pas subjective ?
Pour moi un bon vin c’est celui que vous goûtez, qui déclenche une émotion et vous donne envie de reboire un deuxième verre. Si vous avez du mal à finir votre verre et vous n’avez pas envie d’un deuxième ce n’est pas un bon vin. Ce n’est pas parce que les gens disent qu’il est bon, c’est une question d’émotion, comme celle vous pouvez avoir face à une œuvre d’art.
Le vin, c’est plus qu’une marchandise. Il y a d’autres dimensions, des dimensions culturelles, ethnologiques, la conservation des bio cépages… Pleins de dimensions qui m’attirent dans ce que je fais. Ce n’est pas une question de vendre un produit, mais plutôt ce qui donne du sens à ce que je fais, ce que je n’avais pas dans ma vie antérieure.
Vous avez des compétences et de l’expérience professionnelle. Vous savez qu’à n’importe quel moment vous pouvez arrêter et rebondir sur autre chose. Est-ce que cela facilite les choses ?
J’ai la chance que cela fonctionne bien au niveau commercial. Mon activité à partir du moment où j’ai des gens pour travailler est totalement viable. Il n’y a pas de raison pour que je change. Je ne me vois pas du tout revenir vivre à Paris, pourtant j’adore Paris, j’adore la France et je me sens français, beaucoup plus que portugais mais je ne reviendrai pas y vivre et y travailler dans l’industrie. Je ne me vois pas du tout revenir vivre dans ce modèle-là. Je suis beaucoup plus épanoui dans ce que je fais aujourd’hui. Même si, c’est vrai que j’ai beaucoup de responsabilités en tant qu’entrepreneur dans ce milieu agricole très difficile à vivre, malgré tout je ne regrette pas.
C’est une chance d’avoir une femme qui vit la même passion et qui vous suit ?
C’est vrai que sans elle rien ne serait possible. Elle est portugaise et lorsque je l’ai rencontrée il y a une vingtaine d’années au Portugal, elle a accepté de venir vivre avec moi en France. Elle était infirmière et a travaillé dans les hôpitaux de Paris. Mais maintenant elle a arrêté pour élever nos trois enfants, car les horaires ne sont pas compatibles.
Quelle qualité doit avoir un vigneron ? Est-ce important la créativité ?
C’est vrai que cela se rapproche de l’art mais ça ne l’est pas complètement parce que je n’ai rien créé. Par rapport à un producteur de vin du Portugal, ce que je fais est très différent. J’ai apporté des méthodes qui existaient en France et je les ai appliquées là-bas. Ce que je fais est une fusion.
Quelle est la tendance de consommation que vous voyez en ce moment ? Tendance d’un vin naturel parce que c’est le mieux ou la tendance de ce que c’est la mode ?
Il y a toujours eu dans le vin des effets de mode lors des dernières décennies. Je suis dans une tendance qui, je pense, dépasse l’effet de mode, plutôt une tendance durable qui s’installe de plus en plus. Tout ce qui est lié au vin naturel, c’est-à-dire des vignes travaillées au minima en mode biologique et vinifié sans produits œnologiques, est une tendance qui est pérenne.
Un peu partout, que ce soit à Paris ou ailleurs, dans les grandes zones urbaines, les consommateurs cherchent de plus en plus à avoir des vins qui sont fins, bons pour la santé, sans produits chimiques et qui ont une identité qui procure de l’émotion. Au Portugal je suis l’un des pionniers. Nous sommes au tout début et c’est pour ça qu’aujourd’hui je vends à peu près dans 33 pays dans le monde, alors que j’ai commencé il y a à peine une dizaine d’années.
Quels sont vos projets futurs vis-à-vis de votre terroir, votre vin et de vous-même ?
Mes projets sont surtout d’arriver à stabiliser une équipe solide et complémentaire qui me permettra de prendre du recul et d’avoir un équilibre dans ma vie globale. Entre la dimension professionnelle et personnelle, ces dernières années j’ai énormément travaillé et cela m’a demandé beaucoup d’efforts et de sacrifices pour développer mon activité et la rendre pérenne.
Allez-vous continuer à louer ou avez-vous l’intention d’acheter vos propres vignes ?
Vous savez, six générations ont tissé un lien affectif avec leurs vignes. C’est leur bébé. Ils ont passé toute leur vie à les travailler. Ils sont tristes de les voir mourir. Alors quand un jeune veut bien s’en occuper, ils sont très contents et, en plus, ils reçoivent un loyer annuel. Moi aussi je suis très content car au début je n’avais rien : pas de vigne, pas de chai, uniquement des idées. Maintenant je peux travailler avec de belles parcelles.
Comme je vinifie les parcelles séparément, je les mets les meilleures en bouteille comme l’expression d’un crû, et ainsi au long des années, je cherche à acquérir les parcelles qui me plaisent le plus. En ce moment, je dois être propriétaire de 10% à 15% des parcelles. D’autres, je dois les abandonner car il y a trop de travail et comme je suis perfectionniste et je fais les choses à fond, j’ai du mal à faire le tour de tout en temps et en heure car c’est très consommateur de main d’œuvre.
Cela veut dire que vous misez plutôt sur la qualité ?
C’est mieux. Je pense aussi investir dans le vin et de ne pas faire comme on le faisait à un moment donné, sans qualité et obligé de le vendre à prix coûtant. Maintenant on se concentre dans le bon pour le vendre plus cher, surtout quand on est un petit vigneron comme moi. Pour faire le volume, il faut être une grosse machine, une grosse entreprise industrielle avec de très grandes surfaces avec des moyens adaptés.
Comment s’appelait votre première bouteille ?
Celle que j’ai commercialisée en premier est une bouteille d’un rouge « Vinhas Velhas 2011 »

Interview
Martinho da Vila : grande star de la samba brésilienne

Publié
il y a 10 moisen
21/05/2022Pour
Alice Barros
Dans une conversation pleine d’humour avant sa tournée en Europe, notamment à Paris, le 4 juin à La Cigale.

L’un des artistes brésiliens les plus emblématiques et plusieurs fois récompensé visite Paris lors de sa tournée en Europe. Le carioca qui depuis 1967 est l’une des voix les plus respectées de la samba brésilienne dont ses albums se sont vendu à des millions d’exemplaires, vient sur les scènes Mondiales, après la sortie de son nouveaux album “Mistura Homogênea” (Mélange Homogène), présenter son talent, riche d’une une carrière de plus de 50 ans.
Paris cosmopolite, ville de culture européenne, accueille ainsi un concert qui restera dans l’histoire de la ville et de la carrière du musicien qui porte avec lui l’histoire de la samba brésilienne.
Qu’est-ce qui vous a amené à la musique ? À quel âge avez-vous commencé ?
La musique est entrée dans ma vie comme ça, je ne sais pas quand, mais c’était depuis mon enfance. Puis j’ai commencé à faire quelques petites chansons… et j’ai participé à un festival de musique très important à la fin des années 70, à São Paulo, avec la chanson « Menina Moça » et c’est là que tout a commencé. Je n’ai pas commencé jeune, j’avais déjà la trentaine. A l’époque j’étais dans l’armée mais pas comme soldat, j’étais commis et comptable; c’était un sergent bureaucrate.
Qui vous a inspiré ?
Je n’avais personne comme guide, comme icône, parce que je ne pensais pas être chanteur. Je n’avais pas cette intention. Quand j’ai participé au festival, la maison de disques a aimé ma voix et m’a engagé. Puis j’ai enregistré le premier single : “Casa de Bamba” et c’était le plus gros tube du Brésil.
De tous les concerts que vous avez donnés, quel fut celui qui vous a le plus marqué ?
J’ai fait de nombreux concerts au Brésil et dans le monde. Je suis allé en France où j’ai chanté dans plusieurs salles. J’ai hâte d’aller à Paris. “J’aime beaucoup la France” comme disent les Français. Celui dans lequel je me suis sentit vraiment vivant c’était un spectacle que j’ai fait à l’Olímpia il y a longtemps. Ça a été super !
Quel a été le prix que vous avez plus aimé recevoir ?
J’ai eu de nombreux prix. Prix de carrière. Le plus récent était aux États-Unis, à Las Vegas : le prix d’excellence en musique qu’ils décernent à peu de personnes dans le monde. Ça s’est super bien passé ! j’aime tous les prix ! Par exemple, si je gagne un tout petit et que c’est le plus récent, c’est celui que je préfère !
Dans cette tournée, même si elle peut être fatigante, qu’est-ce que vous motive ?
Ce qui m’inspire, c’est l’envie de montrer de nouvelles musiques, de nouvelles formes, de nouvelles expressions corporelles… ça va être une bonne tournée ! Je serai en France, en Angleterre, en Allemagne et au Portugal. Ça sera très bien ! J’aime beaucoup le Portugal. J’aime beaucoup la cuisine portugaise. Mais quand je suis à Paris, j’aime aussi manger des plats français… boire du vin français ! J’ai déjà mangé quelque chose que les Brésiliens n’aiment pas manger : l’escargot !
Si vous n’étiez pas brésilien, quelle nationalité aimeriez-vous avoir?
J’aimerais être… je ne suis pas sûr… soit portugais, soit angolais. Moi aussi j’aimerais être français ! Parce que l’histoire de France m’enchante, la culture française… ce que j’aimerais vraiment être, c’est être français !
Quelle influence un artiste peut-il avoir sur une société ?
L’artiste a l’obligation d’émouvoir les gens avec son art, mais au bout d’un moment il a l’obligation d’amener la société, son public, à la réflexion ! J’aime vraiment faire ça ! Je suis très heureux quand je chante une chanson qui réfléchit et qu’il y a quelqu’un de sérieux qui regarde et écoute avec émotion, un autre qui sourit et un autre qui pleure. C’est très bien !
En ces temps troubles et cette précarité affective, quel message aimeriez-vous laisser ?
Le message qui me semble le plus important c’est l’espoir !
Personne ne peut perdre espoir même si les choses sont difficiles. Il faut être optimiste, penser que ça ira mieux ! « Canta, canta minha gente, deixa a tristeza para lá que a vida vai melhorar… ». Chantez ! Vous pouvez et devez chanter dans n’importe quelle situation, même dans la salle de bain ! La joie doit toujours être cultivée, toujours… toujours… toujours… vous ne pouvez pas perdre la joie ! Sans joie il n’y a pas de bonheur !
La musique occupe une grande partie de votre existence. Quelles sont vos autres passions ou centres d’intérêt ?
La musique prend totalement le contrôle de mon existence. Ce que j’aime vraiment faire, c’est être sur scène ! C’est où j’exerce mon physique, où je fais vibrer les gens. Je m’amuse et j’amuse aussi. La scène est un lieu magique où l’énergie s’échange. Je suis aussi écrivain. J’ai plusieurs livres publiés en France. J’aime toujours écrire. Je viens de sortir un nouveau livre de contes. J’aime les contes et les livres de poésie. J’en mets toujours sur ma table de chevet et avant de me coucher, j’aime lire une histoire courte. Le conte n’est généralement pas très long donc je le recommande toujours. Avant de se coucher, la lecture fait du bien.
Quel est le dernier livre que vous avez lu?
Le dernier était de Geraldo Carneiro, un poète brésilien très connu et un autre qui est Salgado Maranhão très intéressant et des anciens, je recommande l’un des plus grands écrivains du Brésil qui est Machado de Assis, il a un livre intitulé 50 Contos (contes) de Machado de Assis.
Si vous deviez choisir trois albums parmi tous ceux que vous possédez, lequel choisiriez-vous ?
Tout ce que j’ai fait me plaît ! Canta Canta minha gente de 74 est magnifique ! Il y en a un qui est assez différent, qui est Terreiro, Sala e Salão, qui parle de chants de carnaval, maintenant ce que j’aime beaucoup, c’est le plus récent « Mistura Homogénea ».
Quelle influence votre musique a-t-elle eu au fil des ans ?
J’ai été influencé par l’environnement dans lequel je vis. Je suis également très influencé par la musique folklorique brésilienne, la musique du Nord-Est et la musique du Sud. J’aime écouter beaucoup de musique, surtout musique instrumentale et même un opéra. J’y ai vu une fois à Paris un opéra de Pacini. Une beauté! j’ai vraiment apprécié.
Comment voyez-vous le Brésil contemporain ?
Le Brésil est dans une période de transition. C’est un peu déroutant… nous sommes dans une période de menaces contre la démocratie, mais ce ne sont que des menaces, ça n’arrivera pas. Nous aurons des élections en octobre et je crois que Lula sera à nouveau président. Je crois qu’il a été l’un des meilleurs présidents que nous ayons eu dans notre histoire, donc je pense que le Brésil se porte bien malgré les difficultés. Le gros problème au Brésil, c’est que c’est un pays riche avec beaucoup de pauvres. C’est une chose incompréhensible. Il y a des gens en dessous du seuil de pauvreté, c’est ce qu’il y a de plus triste au Brésil.
Vous avez une grande famille. Était-ce un choix ou une coïncidence ?
Ils sont venus… simplement. Les mères sont différentes. Les enfants sont de très bons amis et ils sont tous très talentueux. Une grande star est Mart’nália et il y en a une autre Maira Freitas, diplômée en musique et qui chante aussi très bien. Je suis très proche de la famille. Je pense qu’il y a des gens qui ne sont pas de la famille par le sang mais sont plus famille qu’un parent éloigné avec qui on n’a aucun contact. Les musiciens, par exemple, je les considèrent ma famille, comme le groupe que je vais emmener sur la tournée. Je l’appelle, la famille musicale.
Auriez-vous un passage drôle en studio ou lors d’un concert à partager avec nous ?
Laissez-moi voir ! À Paris, il y a un théâtre qui s’appelle Mogador. Il y a de nombreuses années, un agent a programmé un de mes shows dans ce théâtre. Et le nom du spectacle était nommé juste Martinho da vila, Samba. Ce théâtre, était un théâtre d’opérette et les spectateurs ont cru que c’était une opérette. Ce fut très amusant. Par coïncidence ce jour là, j’étais à moitié aphone, je parlais avec beaucoup de difficulté, mais je riais beaucoup et ils ont ri aussi… ça été une chose merveilleuse, un grand succès.
Qu’est-ce que vous n’avez pas encore fait que vous aimeriez faire ?
Je ne sais pas encore. J’ai fait beaucoup de choses j’ai encore beaucoup à faire mais je ne sais toujours pas ce que c’est ! Je sais juste que j’ai encore beaucoup à faire !
http://www.lacigale.fr/spectacle/martinho-da-vila-3/
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