INTERVIEW
Jorge Fonseca: Travail et bonheur, l’intime dualité
Spécialiste du conseil en évolution de carrière et en recherche de nouveaux défis professionnels, il a consacré une grande partie de sa…
Publié
il y a 3 anssur
Par
Alice BarrosSpécialiste du conseil en évolution de carrière et en recherche de nouveaux défis professionnels, il a consacré une grande partie de sa vie à accompagner des cadres insatisfaits dans leurs fonctions.
Jorge Fonseca est le fondateur et associé de GEORGE Career Change Consultants – cabinet spécialisé dans le conseil aux professionnels pour la recherche ou le changement de poste, au Portugal et à l’étranger (Europe, Afrique, pays du Golfe). Diplômé en Économie par la Nova School of Business and Economics de Lisbonne, avec un Master en Gestion Commerciale et en Marketing par le programme MBA core de l’université Columbia à New York (Development Systems and Highlights), il a plus de 25 ans d’expérience dans le Career Change et Executive Search et dans des entreprises technologiques de premier plan. Passionné par son travail, il partage ses réflexions et orientations dans certains médias, notamment, Forbes, NewMan, Bom Dia… et participe à de nombreux débats.
Jorge, comment tout a commencé ?
Je dirais que j’ai juste transposé au Portugal ce qui se faisait déjà à l’étranger. Fruit de mes lectures régulières de la presse étrangère et de l’expérience acquise comme chasseur de têtes, je me suis aperçu qu’il y avait un besoin latent qui n’était pas satisfait. À ce moment-là, il n’y avait que deux sociétés qui se limitaient à faire de l’outplacement. Dans mon projet, c’est le client qui prend l’initiative de me contacter, à l’inverse des sociétés d’outplacement. En majorité, les professionnels que je conseille sont encore en poste, mais n’en sont pas satisfaits (pas de possibilités de progression dans leur société, ils estiment être mal rémunérés, ils n’arrivent pas à s’identifier avec les méthodes de leurs managers directs, ils veulent changer d’entreprise, de secteur, de pays…).
Votre approche est basée sur des critères de personnalité, de fonction…la bonne personne à la bonne place?
Grosso modo, cela fait onze ans que je fais exactement le contraire des entreprises de chasseurs de têtes (headhunting). J’aide mes clients/candidats à optimiser et à rendre plus agile leur processus de recherche d’un nouveau défi professionnel. C’est juste une question d’orienter les personnes, car il y a des gens qui ont des idées ingénues et absurdes sur ce sujet. Il n’ont aucune perception des postes auxquels ils peuvent prétendre et quelles sont les entreprises qui pourraient recruter des professionnels ayant leurs compétences. Ensuite, il y a aussi le problème de l’âge: les professionnels de plus de quarante ans sont difficilement recrutés par la majorité des entreprises multinationales.
Cela implique une actualisation constante, connaître les tendances du marché et la situation dans les autres pays…
Oui, bien sûr. Par exemple, tous les vendredis, je lis le journal Expresso du début à la fin. Le cahier Economie de l’Expresso est très important, et il doit être lu par toute personne impliquée dans le marché de l’emploi. Je lis aussi le cahier Economie de El pais tous les dimanches. C’est vraiment le journal de référence. Je vois les économies portugaise et espagnole chaque jour plus intégrées, et il y a même beaucoup de multinationales qui considèrent le Portugal et l’Espagne comme un seul pays. Beaucoup de multinationales envisagent le marché ibérique comme un tout.
Pour le Portugal, il n’y a pas un risque de perte d’identité ?
C’est la mondialisation. Beaucoup de multinationales ont un directeur unique pour tout le sud de l’Europe : Portugal, Espagne et Italie. Je conseille actuellement trois personnes qui ont été recrutées comme Directeurs Généraux au Portugal, mais ils disent qu’ils ont de moins en moins de responsabilités liées à leur poste, ce sont juste des “Chefs de Ventes” pour le Portugal. Ils ont la carte de Directeur Général, mais en pratique, ils ne peuvent prendre des décisions que dans les domaines du commercial et du marketing au Portugal. Pour le reste, ils doivent toujours en référer à leur siège européen.
La mobilité et les opportunités en termes professionnels sont encore favorables en cette période de crise, ou vaut-il mieux attendre que la situation devienne plus stable, plus propice ?
Il y a des marchés qui continuent à recruter des cadres de gestion, particulièrement en Angola, au Mozambique, au Ghana, au Rwanda, en Arabie Saoudite ( un pays qui va bien et qui reste un marché prometteur…). La durée moyenne de recherche d’un nouveau défi avant la pandémie était de treize mois. Cela a augmenté du fait du coronavirus, et il y a beaucoup d’opportunités qui ont été gelées. Donc, pour les personnes qui veulent changer de poste, l’idéal est de commencer le plus tôt possible. D’abord, on envoie les CV et on reçoit les réponses, puis viennent les entretiens, et cela peut déjà prendre des mois. Ensuite, la réponse à l’entretien peut prendre facilement trois mois de plus.
Quel sera le nouveau comportement des marchés? Quelles seront les nouvelles tendances ?
Les marchés qui étaient fortement dépendants du tourisme souffrent beaucoup. Par exemple, Dubaï, un émirat éminemment touristique, fait face à une grande récession. Les voyages de loisirs se sont taris, et les voyages d’affaires se sont substantiellement réduits. Par contre, il y a des pays où le tourisme ne représente presque rien, comme l’Arabie Saoudite, un pays qui durant les trente dernières années a fait d’excellents investissements structurels. Dans ce cas particulier, le coronavirus n’a pas créé de dégâts.
Des investissements sont nécessaires. Pensez-vous qu’il y a suffisamment de réserves financières de la part des gouvernements ?
Comme après la seconde guerre mondiale avec le plan Marshall, la Communauté Européenne a mis en place un énorme plan financier pour le redistribuer aux états. Mais cela va prendre du temps pour donner des résultats, parce que l’économie mondiale est très déprimée.
Pour vous, comment se profile le nouveau normal, et quels en seront les protagonistes?
Les entreprises qui vont s’en sortir, ce sont celles qui profitent de la crise pour continuer à croître, par exemple, les entreprises liées à la transformation numérique de l’économie. Les achats par internet prennent aujourd’hui de plus en plus d’ampleur. Beaucoup de clients ont arrêté d’aller dans les boutiques physiques et ont commencé à faire les achats du quotidien via le web. Beaucoup d’entre eux vont continuer à le faire de manière définitive.
Mais cela va créer une réduction du nombre d’emplois, ou alors on va assister à la création des nouveaux flux de travail ?
Il va y avoir beaucoup de transformations. Les banques vont fermer de nombreuses agences et des fusions entre banques vont se produire. Deux grandes fusions entre banques espagnoles sont déjà prévues au niveau européen. Parce que la banque a un problème de marges trop courtes et de rentabilité très réduite.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut construire une carrière réussie et montrer qu’il est le meilleur candidat? Quelles seront les caractéristiques qu’il doit mettre en avant?
Pour réussir, il faut choisir une entreprise et un secteur avec lesquels nous nous identifions parfaitement, rechercher des expériences dans des entreprises de référence dans le secteur ou le domaine où nous souhaitons réussir, travailler avec des managers directs qui se sont démarqués dans les secteurs où nous voulons nous spécialiser…Il faut apprendre avec les vainqueurs !
Cela veut dire que pour être le meilleur candidat, il faut avoir des bonnes références?
Quand on recrute un professionnel, on va privilégier quelqu’un qui travaille, ou bien, qui a travaillé dans des entreprises de référence dans son domaine d’expertise, et qui a eu comme managers des professionnels reconnus avec une grande crédibilité.
Pourquoi le coaching est-il un processus efficace pour les candidats ?
Parce que beaucoup de gens ne savent pas prendre les bonnes décisions professionnelles. Personnellement, j’ai l’avantage de pouvoir visualiser le marché du travail de haut, je dirais d’hélicoptère, et d’avoir la vision de ce qui va les mener au succès. La majorité des personnes qui sont satisfaits dans leur vie professionnelle “aiment ce qu’ils font quotidiennement”, travaillent dans des entreprises en phase de croissance, font confiance et ont de bonnes relations avec leurs managers directs, …
Positionner les personnes sur les bons postes, et leur donner la possibilité de se sentir satisfaites, cela vous rend heureux ?
J’ai eu une carrière professionnelle qui m’a rendu très heureux. Bien que je n’ai pas gagné de grosses fortunes, je fais un métier que j’adore. J’ai beaucoup de clients qui ont fait appel à moi à plusieurs reprises, et c’est un grand plaisir chaque fois que j’entends quelqu’un me dire : “Jorge, je viens de signer un contrat”, “Jorge, je viens d’accepter un nouveau défi et c’est à vous que je le dois, et à la grande aide que vous m’avez apportée”.
Vous êtes une personne dévouée à votre travail ?
Je suis quelqu’un qui se veut une référence dans son domaine. Je fais ce que j’aime, mais c’est très difficile. Je travaille beaucoup d’heures. Par exemple, hier c’était un jour férié, je suis arrivé au bureau à sept heures et demie.J’ai reçu une personne à 8 heures et une autre à 9 heures et demie. Je travaille 6 jours par semaine, 12 à 14 heures par jour. Je prends une seule semaine de vacances par an.
Quand on vous demandait lorsque vous étiez petit, qu’est-ce que vous vouliez faire plus tard, quelle était votre réponse ?
Je voulais me distinguer, sans aucun doute. Le monde des affaires est un domaine qui m’a toujours attiré. La politique aussi. J’ai beaucoup d’admiration pour certains leaders charismatiques qui ont marqué leur époque comme Mitterrand, Felipe Gonzalez, Mário Soares, Cavaco Silva, António Guterres….
À part votre travail, quelles sont les activités qui vous passionnent ?
J’aime les voyages professionnels et personnels. Je suis allé dans un très grand nombre de pays, comme la Chine, la Russie, les Emirats Arabes Unis (Dubaï, Abu Dhabi…), le Qatar, Oman et Bahreïn. J’ai trouvé le Canada, le Québec et les chutes du Niagara merveilleux. J’ai beaucoup aimé aussi les Etats-Unis. J’ai visité Miami, Palm Beach, Fort Lauderdale Chicago, New York. À Washington, j’ai eu le privilège de visiter la Maison-Blanche et le Pentagone. Je connais aussi la plupart des grandes capitales européennes.
Avez-vous un endroit préféré pour vous détendre ?
Je prends une journée par semaine pour décompresser. Pour cela, je vais souvent prendre l’air à Cascais. Mais je trouve que la majorité des personnes stressées ne sont pas les gens qui travaillent beaucoup, mais plutôt ceux qui se trouvent au mauvais endroit, avec le mauvais manager. En ce qui me concerne, grâce à Dieu, je me sens bien dans ce que je fais. Dans la vie, tout ne fonctionne pas toujours comme on le voudrait. Mais en général, je n’ai pas à me plaindre.